Questions De Patrimoine

Questions De Patrimoine – Printemps 2018

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Questions de patrimoine 19 Réflexions d'une musulmane sur 30 années vécues au Canada Par Raheel Raza Je suis Pakistanaise de naissance, Canadienne par choix et musulmane dans mon cheminement spirituel. Ma famille et moi avons immigré au Canada il y a 30 ans, et nous avons vécu beaucoup de « premières fois ». La culture dans laquelle j'ai grandi était surtout patriarcale. Les femmes n'étaient pas censées être vues ou entendues. Cependant, déjà rebelle contre le statu quo et militante jeune, j'ai revendiqué le droit à l'égalité, pas seulement pour moi, mais pour toutes les femmes; j'ai commencé tôt à dénoncer les injustices. Mon arrivée au Canada à partir d'un pays où la présence de femmes leaders n'était pas la norme – et ce, même si nous avions eu une femme première ministre – a été comme une bouffée d'air frais. Enfin, je pourrais goûter à des libertés et penser par moi-même. Le Canada m'a donné la possibilité de m'exprimer et de militer pour de nombreuses causes liées aux droits de la personne. J'ai pu commencer à parler et à écrire au sujet de mes expériences, et à bâtir des ponts de compréhension entre l'Orient et l'Occident. J'ai découvert que même si les femmes occidentales pensent qu'elles jouissent de toutes les libertés auxquelles elles aspirent, un plafond de verre existe et elles ne sont pas à l'abri des difficultés non plus. J'ai trouvé des modèles dans des héroïnes canadiennes comme Thérèse Casgrain, Mary Ann Shadd et Constance Hamilton – et j'ai d'ailleurs reçu le Prix Constance Hamilton en tant que première femme musulmane au Canada à diriger des groupes de prière mixtes. Cette initiative pour laquelle j'ai été récompensée visait à combattre la misogynie dans notre culture religieuse et à prouver que les femmes peuvent avoir des droits égaux tant dans les lieux de culte que dans la sphère publique. Mon travail m'a amenée à écrire des chroniques dans le Toronto Star, où j'explorais le vécu de personnes sud- asiatiques et l'influence du Canada sur leur parcours. Les chroniques m'ont aussi permis de contribuer à un dialogue interconfessionnel entre des personnes ne partageant pas la même foi, surtout dans le contexte où l'Islam et les musulmans n'étaient pas à l'écran radar des Nord- Américains, avant le 11 septembre. Pour bien des personnes d'origine sud-asiatique, la culture et la foi s'entremêlent et s'intègrent au quotidien. Cette dimension m'a de plus en plus intéressée. Mes réflexions ont été positivement accueillies par les Canadiennes et Canadiens, qui avaient tendance à voir tous les Sud- Asiatiques comme un bloc monolithique. Parler de diversité dans nos communautés s'est avéré une entreprise à la fois éprouvante et gratifiante. J'ai d'abord pris la parole dans des lieux de culte, des établissements d'enseignement et des organismes publics, et j'ai constaté qu'il y avait un immense intérêt à l'égard de mon héritage culturel, surtout en ce qui a trait aux femmes et à leurs droits. J'ai poursuivi mon travail et j'en ai obtenu une reconnaissance par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies – j'assiste à des séances à Genève trois fois par année. Aujourd'hui, je continue de défendre les droits des femmes de façon globale, et je consacre du temps à sensibiliser les Nord-Américains aux dangers de la radicalisation. Ma mission s'inscrit dans les trois « E » suivants : exposer le problème, éduquer les masses et épauler tous ceux qui aspirent au changement. Je me sens privilégiée de vivre dans un pays où je peux m'exprimer librement sur des sujets qui me tiennent à cœur. Nous vivons en des temps troubles, d'où le besoin que j'ai eu de mettre sur pied un organisme voué à explorer le droit des femmes à se faire les « porte-voix des sans-voix ». C'est pour moi une priorité de contribuer à l'harmonie interconfessionnelle pour que le Canada reste un bastion de paix. Raheel Raza est présidente de l'organisme Muslims Facing Tomorrow. Raheel Raza devant l'Office des Nations Unies à Genève.

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