Questions De Patrimoine

Questions De Patrimoine – Printemps 2018

Issue link: https://www.e-digitaleditions.com/i/989444

Contents of this Issue

Navigation

Page 39 of 43

Questions de patrimoine 38 Elizabeth Bagshaw, défenderesse des droits génésiques au Canada Par Kimberly Murphy Lorsque la D re Elizabeth Bagshaw prend sa retraite en 1976, elle est la médecin en activité la plus âgée du Canada. Au cours de son illustre carrière de 70 années, elle a traité des milliers de patients et mis au monde plus de 3 000 bébés. Elle a reçu de nombreux prix, notamment l'Ordre du Canada, le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne » et le titre de Citoyenne de l'année de Hamilton, en plus d'être intronisée au Temple de la renommée médicale et de faire l'objet d'un documentaire de l'Office national du film en 1978. Néanmoins, la D re Bagshaw est sans contredit bien mieux connue pour sa lutte pour les droits génésiques des femmes à une époque où promouvoir et fournir n'importe quel type de contraception était illégal. En 1905, elle obtient son diplôme du Collège de médecine des femmes de l'Ontario, affilié à l'Université de Toronto, bravant ainsi la volonté de sa mère, mais avec le soutien de son père. Parmi les premières femmes médecins au Canada, elle se heurte à de nombreux obstacles lors de sa formation et au début de sa carrière. La plupart de ses cours pratiquent la ségrégation par sexe et il lui est difficile d'effectuer l'internat dans un hôpital nécessaire à l'obtention de son permis pour pratiquer la médecine. En effet, peu d'internats au Canada acceptent les femmes à cette époque. Finalement, Elizabeth Bagshaw opte pour le préceptorat (une alternative à l'internat) et travaille auprès d'une autre femme médecin. En 1906, elle est en mesure de s'établir à son compte à Hamilton et se spécialise en médecine familiale et obstétrique. Son cabinet est prospère : dans les années 1920, pendant trois années consécutives, elle appose sa signature sur plus de certificats de naissance que tout autre médecin de Hamilton. La D re Bagshaw est restée célibataire, mais a adopté l'enfant d'un de ses proches dans sa quarantaine. [Traduction] « Elle faisait ses propres choix et agissait en fonction de ses propres décisions à une époque où la plupart des femmes dépendaient encore des hommes pour prendre les grandes décisions de leur vie », indique sa biographe Marjorie Wild. La D re Bagshaw pratique également la médecine à une époque où les femmes n'avaient que peu de droits génésiques. L'avortement et la contraception étaient alors illégaux. En 1892, une loi fédérale avait rendu illégal le fait de donner accès à une forme de régulation des naissances ou de diffuser de l'information à ce propos. Les personnes condamnées risquent jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Toutefois, son travail de médecin de première ligne lui fait voir les conséquences de la naissance et de l'accouchement sur les femmes. Une étude de 1934 démontre qu'un décès sur six parmi les jeunes femmes de l'Ontario résulte directement de la grossesse et de l'accouchement. Les avortements illégaux contribuent également à ce taux de mortalité puerpérale. On estime que le nombre de femmes au Canada ayant péri des suites d'un avortement de 1926 à 1947 s'établit à entre 4 000 et 6 000 – un nombre probablement sous-déclaré compte tenu de la stigmatisation sociale. Dans les années 1930, la Direction de l'hygiène des mères et des enfants de l'Ontario révélait que l'avortement représente constamment 20 p. 100 de tous les décès maternels dans la province.

Articles in this issue

view archives of Questions De Patrimoine - Questions De Patrimoine – Printemps 2018