Questions De Patrimoine

Questions De Patrimoine – Printemps 2018

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Questions de patrimoine 27 sans réponse ni les effacer avec le temps. Nous, les femmes autochtones, dont on a fait planer les cœurs juste au-dessus du sol, à un cheveu bien mince d'être brisés , avons reçu cette double lourde tâche : d'un côté, nous devons nous attaquer aux répercussions intergénérationnelles et les démonter et, de l'autre, nous devons définir les mesures nécessaires à la déviation de la trajectoire actuelle de l'existence féminine autochtone dans ce pays. Au-delà de la réplique de Justin Trudeau, « parce qu'on est en 2015 », nous savons qu'il existe une multitude de problématiques « sous la pointe de l'iceberg » qui doivent d'abord être reconnues avant que nous puissions réellement parler de guérison. Nous savons que nous sommes des leaders. Nous sommes les porteuses de la culture, des chants, de l'espoir, de la ténacité et d'une incroyable persévérance. Parce que nous sommes encore ici, nous savons que nous avons gagné. Et oui, nous prenons notre place dans tous ces corps de métier qui nous étaient autrefois refusés : nous sommes enseignantes, universitaires, chefs, ingénieures, architectes et médecins. Nous ne faisons que commencer, nous nous multiplierons. Et ce n'est pas maintenant que nous nous arrêterons. Nous étions ici hier, nous sommes ici aujourd'hui et nous serons ici demain. Le suffrage? Nous avons souffert pendant 600 ans de rage, d'oppression et de pertes; et lorsque nos systèmes de gouvernance traditionnels ont été détruits et que le scrutin a été mis en application, nous avons subi 67 années où le droit de vote nous était refusé. Nous ne pouvions même pas voter au sein de notre propre communauté, pour élire nos propres chefs. Il ne nous a pas été possible de voter librement en Ontario et au Canada avant 1960, même si les femmes autochtones ont obtenu le droit de vote en 1867, À CONDITION qu'elles abandonnent tant leur droit à leur patrimoine et à leurs foyers que leurs réserves. Qui aurait fait ça? Nous avons nos héroïnes, des « femmes qui ont fait connaître les clauses sexistes de la Loi sur les Indiens de 1876 grâce à leur militantisme et au moyen de poursuites judiciaires. La Loi sur les Indiens, autrefois appelée Acte des Sauvages en français, est un archaïsme de la législation canadienne qui définit le mot colonial dans un pays qui a longtemps nié sa propre histoire. Mary Two-Axe Earley (Mohawk) a lutté contre son expulsion de la réserve de Kahnawake au Québec et l'a fait connaître au monde entier lors de la conférence tenue à l'occasion de l'Année internationale de la femme à Mexico en 1975. En 1973, la Cour suprême a entendu les cas de discrimination concernant Jeannette Corbières Lavell (Anishinaabe) et Yvonne Bédard (Haudenosaunee). En 1977, Sandra Lovelace (Wolastoqiyik) a porté son cas devant le Comité des droits de l'homme des Nations-Unies. Le comité a statué en sa faveur le 14 août 1979. » Plus récemment, l'arrêt McIvor de 2009 a remis les femmes autochtones sur un pied d'égalité avec leurs homologues masculins concernant la protection de leurs enfants et petits-enfants contre l'expulsion de leurs territoires natifs. En 2017, Lynn Gehl gagne son premier combat contre la discrimination sexuelle dans le libellé de la Loi sur les Indiens. Alors, où cela nous mène-t-il lorsqu'il est question des droits des femmes, de leur mobilisation lors des élections et de l'exercice de leur influence dans le monde d'aujourd'hui? Les femmes autochtones ont assuré la survivance de leurs cultures et de leurs langues face au colonialisme hostile, à une marginalisation publique et à un silence politique. Notre gouvernement actuel dit « oui », mais quelles en sont les répercussions? Nous devons encore patienter et voir si les prochaines élections traduiront à nouveau une volonté de forcer le changement. Nous ne sommes pas encore convaincues que notre peuple a reçu le tribut qu'il espérait. Mais les femmes autochtones sont des organisatrices pragmatiques et nous n'accepterons plus la défaite. Ensemble, nous élevons nos cœurs pour qu'ils ne forment plus qu'un. Cynthia Wesley-Esquimaux a été nommée première présidente autochtone de la Commission de vérité et de réconciliation au Canada par l'Université Lakehead (Thunder Bay et Orillia). 1 Selon un proverbe cheyenne, [traduction] « une nation n'est pas conquise tant que les cœurs de ses femmes ne sont pas abattus. À ce moment, ni la bravoure de ses guerriers ni la force de leurs armes n'ont plus d'importance. »

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