Questions De Patrimoine

Questions De Patrimoine – Printemps 2018

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Questions de patrimoine 35 Cette école, comme beaucoup d'autres à l'époque, interdisait aux femmes d'enseigner après le mariage. « Doris disait qu'elle s'arrêterait volontiers, mais cela ne s'est jamais produit », évoque Lynne Wynick de la galerie Wynick/Tuck. La peintre demeure discrète à propos du grand amour de sa vie, l'époux d'une amie, bien qu'elle ait admis une fois en entrevue qu'elle s'était rapprochée de la veuve après sa mort. Peintre prolifique, elle a exposé jusque dans les années 1970, souvent dans des galeries rattachées à de grands magasins, à des universités et à des sociétés d'art, comme l'Ontario Society of Artists, dont elle deviendra la première femme présidente en 1964. Au dire de Wendy Wacko, Doris a choisi de faire fi de la discrimination à laquelle se heurtaient les femmes artistes : « Elle était d'avis que faire de son mieux et ne pas perdre de temps à pleurnicher était l'approche à privilégier. » L'artiste n'était pas du genre à se morfondre. Lorsqu'elle a pris conscience que le projet de fonder une famille ne se réaliserait jamais, elle a décidé de vivre sans retenue ses passions – enseigner, peindre et agrandir le « Paradis d'une folle », une propriété qu'elle a achetée en 1939, puis léguée à son décès à la Fondation du patrimoine ontarien pour servir de centre d'accueil d'artistes en résidence. En prenant sa retraite en 1972, elle s'est consacrée à la peinture à temps plein. Elle a réalisé son rêve de visiter l'Arctique, source d'inspiration pour sa célèbre série Iceberg Fantasy, sa première incursion dans la peinture de grand format. Même nonagénaire, Doris était dotée d'une énergie débordante et d'une éthique de travail irréprochable, soutient Wendy Wacko, qui l'a accompagnée lors de voyages annuels axés sur la peinture en Irlande, dans les badlands de l'Alberta et en Italie : « Nous étions debout à 6 h. Si on ne sortait pas à 8 h 30, elle était d'humeur irritable. » Lors d'un voyage en Toscane, Wendy se souvient que Doris était choquée qu'elle veuille perdre son temps à faire la tournée des boutiques pour des plats italiens peints à la main : « On a finalement eu du mauvais temps et elle s'est alors résignée en disant d'accord. » Il arrivait souvent que le temps soit rude en hiver – il faisait si froid qu'il fallait ajouter de la glycérine à l'eau pour empêcher l'aquarelle de geler. « Doris me l'a montré, ajoute Wendy. On n'apprend pas ça à l'école des beaux-arts. » Doris McCarthy a peint jusqu'à l'âge de 95 ans, le plus souvent perchée précairement sur un escabeau, produisant ce que beaucoup considèrent comme ses œuvres les plus remarquables à l'automne de sa vie. Elle s'est fait amputer un doigt rongé par l'arthrite, devenu incommodant. Sa technique a évolué au fur et à mesure que sa vue baissait : « L'accent était davantage sur les formes, les tonalités et les couleurs, et moins sur les détails », précise Wendy Wacko. La peintre ne s'est jamais décrite comme une personne âgée. À la fin des années 1970, alors qu'elle cherchait une galerie pour la représenter, elle a jeté son dévolu sur Wynick/Tuck, qui mettait en vedette de jeunes artistes. « Elle ne voulait pas être avec les vieux! », commente Wendy. En 1989, à 79 ans, elle obtient un baccalauréat en études anglaises de l'Université de Toronto et publie le premier de Depuis 2015, la Fiducie du patrimoine ontarien administre le programme des artistes en résidence Doris McCarthy au « Paradis d'une folle » – un incubateur absolument unique et évolutif pour les créateurs de tous les horizons, les artistes visuels, les musiciens et les écrivains, qui y trouvent un cadre intime et stimulant. Pour obtenir de plus amples renseignements sur le programme, prière de consulter heritagetrust.on.ca/pardm. Doris McCarthy a rendu l'âme en 2010. Photo: David Lee.

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